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Aujourd’hui laissez-moi vous présenter Arthur l’ophiure. Et nan, ophiure, ce n’est pas une injure.
Arthur est le Canada Dry des étoiles de mer, il a la forme de l’étoile de mer, il a la couleur de l’étoile de mer mais ce n’est pas une étoile de mer. Vous en avez certainement vu tout plein, mais elles se planquent parce qu’elles n’aiment pas la lumière, vous les avez donc tous vu, mais sans forcément savoir qu’Arthur est une ophiure. Jetez un œil sur les photos, ça va vous dire quelque chose.
Arthur, même si c’est un timide, il a tout d’un grand, 5 bras, quelquefois 6, mais uniquement pour les Arthur rebelles, mais là va falloir chercher, c’est franchement rare. Il possède donc une symétrie pentaradiale, ouai maintenant vous savez, vous êtes des pros, donc une jolie symétrie 5. Il appartient à la grande famille des échinodermes et…. Et c’est tout.
D’abord Arthur a de drôles de pattes, c’est un danseur né, il glisse, il recule, il moonwalke, get up, get on up, c’est bôôô, on dirait de l’antique dirait Eric qui a des expressions encore plus bizarres que les miennes.
Première différence entre Arthur et l’étoile de mer donc, il danse, l’étoile de mer non,, contrairement à sa cousine du Bolchoï. Normal, Arthur a le bras long, ou plutôt les bras très longs, ondulants, rapides et surtout, surtout, remplis de petits disques calcaires reliés entre eux par des ligaments et des muscles, des vertèbres quoi. Stay on the scene, like a sex machine, ta da da da ta da…..
Tout ça va lui permettre de bouger son corps de manière extraordinaire. Et pourtant, au départ, c’était pas gagné. Ce Nureyev des mers n’est pas le client régulier de Christiane l’esthéticienne. Ce ne sont plus des poils qui lui poussent sur les gambettes ce sont de véritables piquants.
Comme un chevalier du moyen âge, ses bras sont constitués d’écailles formant des plaques défensives le tout équipé de piquants bien rangés. Si d’aventure vous désiriez rompre la distanciation physique et lui chatouiller le dessous des bras, vous risquez de le regretter vivement, ça pique fort !
Quand on parle de bras long il faut savoir que des cousins d’Arthur peuvent avoir des bras de plus de 60 cm. Et vous verrez par la suite que, chez nous en Martinique, on va en trouver de toute beauté, la preuve en photos ci-après. Vous pourrez aussi voir sur les vidéos de nuit les gorgonocépales qui sont également des ophiures.
Pour décrire le corps d’Arthur, il va vous falloir un peu d’imagination. Heuuuuu… donc un Nureyev, mais en armure, pas en collant moulant… Pas évident pour danser. Le corps est un disque central composé d’une plaque centrée sur la partie supérieure (centrodorsale) entourée de cinq plaques radiales, ça suffit vous allez me dire, bin nonnnn, entre les cinq plaques vont s’intercaler d’autres plaques au fur et à mesure de la croissance. Un mille-feuille de plaques quoi, l’Iron man des mers….
Et pourtant il bouge…
Tous les organes sont dans le corps central, on y trouve une bouche et 5 dents reliées au tube digestif.
Arthur a donc une bouche, mais pas d’anus, le rejet se fera par la bouche. On peut en conclure qu’il a mauvais caractère (ben oui, c’est pas forcément très agréable de ne pas avoir de trou de balle et de faire caca par la bouche, de quoi être aigri) et a une haleine de putois.
De manière classique et tout comme les étoiles de mer, l’ophiure peut perdre un bras, quelle distraite… En revanche les deux morceaux pourront redonner chacun un Arthur, une certaine notion d’immortalité quoi !!!
C’est un animal rustique, il peut supporter une pollution importante de l’eau, la quantité de sel peut être 6 fois moindre qu’à son habitude, pas grave… de fait on le surprendra à remonter les estuaires. Ils ont du coup colonisé tous les types d’habitats marins : dans les sédiments, les roches, le corail et les éponges. Et tout ça dans des profondeurs diverses et variées. C’est que l’ophiure pratique le stop, le méduse stop, le sargasse stop et même pour les plus aventureux, le bateau stop où Arthur réside avec bonheur dans les eaux des ballasts.
Au restau, c’est pas un difficile, son régime est généraliste et surtout… opportuniste. Il sort à la nuit tombée pour aller rechercher des restes, des détritus reposant sur le sol.
Certaines ophiures sont un peu plus agressives et vont se faire un steack de poisson voire, pour les plus grosses et gourmandes, des calamars. Toutes ne courent pas après leur déjeuner, par exemple, les ophiures de type gorgonocéphale vont écarter leurs bras équipés d’organes filtreurs afin d’occuper le plus d’espace possible et ainsi capturer du plancton ou des débris dérivants sans se fatiguer.
Pour augmenter les chances de capture, le gorgonocéphale va se dresser contre le courant.
Les ophiures sont des organismes à sexes distincts. La période de reproduction est souvent très longue : mâles et femelles expulsent les gamètes en nuages dans le milieu extérieur, et engendrent lors de leur rencontre un œuf, puis une larve, dont le mode de vie est pour un certain temps planctonique, et qui va tomber sur le fond, au terme de sa croissance.
Mais bon…. L’ophiure est aussi capable de se reproduire en se divisant en deux, tout seul en célibataire… ça peut servir pour développer sa population.
La grande majorité des ophiures sont des animaux nocturnes qui détestent la lumière et la fuient en se cachant dans des anfractuosités, dans les sédiments ou sous les rochers. On appelle ça des animaux lucifuges, joli mot.
C’est particulièrement visible avec le gorgonocéphale, de son doux nom Astrophyton muricatum, ou Astrophyton géant. En journée, vous les trouverez à l’intérieur de grosses éponges barriques ou protégées par de grosses gorgones (qui n’ont rien à voir avec les gorgonocéphales, vous suivez ?) recroquevillées telle une pelote de fils roulés sur elle-même.
En fait, gorgonocéphale signifie « tête de gorgone ». Les gorgones, dans la vraie vie, font partie de la famille des coraux, mais dans la mythologie grecque ce sont des créatures fantastiques et malfaisantes. L’une d’elles, Méduse, avait une opulente chevelure. Elle séduisit Poséidon et s’attira ainsi la jalousie de la déesse Athéna qui transforma la belle chevelure de Méduse en un bouquet de serpents. Lorsqu’il est déployé, le gorgonocéphale évoque cette chevelure de serpents. Bon, ils avaient de l’imagination ces Grecs, parce qu’un serpent chevelu, c’est pas commun !
La nuit, le gorgonocéphale va prendre toute son ampleur, sa magnificence, il va se déplacer lentement mais surement s’accrochant à un relief à l’aide de deux ou trois bras. Ses autres bras se déploieront comme des ombrelles d’une beauté et d’une finesse extraordinaire que nous avons la chance de voir durant nos plongées de nuit.
Mais attention, ces ombrelles délicates cachent de redoutables armes puisque toutes les branches sont dotées d’une batterie de petits crochets et forment comme un filet. Celui-ci va capturer de petits organismes pouvant aller jusqu’à 3 cm. Elle a de l’appétit la bête.
Bon, si vous laissez malencontreusement votre main caresser un gorgonocéphale, vous n’y laisserez pas un moignon mais vous sentirez les branches agripper à vos doigts. Allez hop, pas touche on les laisse tranquille.
Si vous souhaitez faire des photos de nuit de ces drôles de bêtes, il vous faudra vous munir de lampes rouges, ou aller assez vite dans votre prise de vue. Dès que vous allez le soumettre à votre éclairage il va se recroqueviller et se remettre en boule.
Prenez le temps de regarder attentivement et vous pourrez observer de touuuuuutes petites crevettes les Periclimenes perryae à peine plus grosses qu’une fourmi qui se planquent dans ces magnifiques dentelles. Elles profitent des aliments ramenés par le gorgonocéphale pour s’en mettre plein la lampe.
Et si l’on parlait de la véritable différence d’Arthur et consort avec leurs cousines étoiles de mer ??
Rien ne vous vient à l’idée ? Pourtant ça devrait vous sauter aux yeux….. Bin Arthur il y voit, alors que Josette l’étoile de mer, elle est complètement miro.
En fait, le système optique d’Arthur n’est pas tout à fait élucidé, deux théories se confrontent :
Dans la première, on part du principe qu’il y a, dans la partie supérieure du corps, sur la sorte d’armure dont on parlait précédemment, des cellules nerveuses photosensibles qui servent de lentilles microscopiques. Elles fonctionnent comme un grand œil composé d’une multitude de lentilles qui ont la forme adéquate pour produire une image claire.
Pour la seconde c’est en changeant de couleur que les pigments répartis dans toute la peau (appelé chromatophore) obtiennent une idée de l’environnement, un peu à l’image d’une pellicule photo d’un appareil argentique, qui suivant la lumière, s’imprègne d’une image.
Hébé, voila toute l’histoire d’Arthur et ses congénères, j’espère que vous aurez appris tout plein de choses tout comme moi.
Morale de l’histoire, qui n’en est pas une, c’est plutôt le concours de l’année : Eric voulait appeler l’ophiure Gilbert, le premier qui trouve pourquoi a gagné toute mon admiration, parce que moi…. Il m’a fallu du temps pour comprendre.
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