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Bonjour les bulleux, aujourd’hui pas d’histoire de petits poissons, on retourne sur terre pour partir à la recherche d’une « jolie » bébète, la matoutou falaise, bestiole emblématique de la Martinique et endémique à notre île.

Je me souviens bien de notre première rencontre, la matoutou et moi… C’était lors d’une visite à l’habitation Céron, au Prêcheur, dans le nord de l’île. Sur ce magnifique domaine, qui n’est autre qu’une ancienne sucrerie avec moulin à eau, on trouve des cacaoyers, qui servent à la fabrication des pains Caco, un parc magnifique, et un énorme zamana, un arbre tricentenaire dont la superficie fait à peu près un hectare, soit deux terrains de foot… Jolie promenade dominicale, bucolique à souhait.

Nous nous promenions main dans la main avec mon amoureux, nonchalamment, profitant de l’ombre de la végétation luxuriante, nous esbaudiant devant une fleur butinée par un gracieux papillon. Nous trempâmes même nos charmants petits petons dans le cours d’eau, au risque hautement inconsidéré de nous faire croquer les orteils pas un petit ouassou taquin, le ouassou étant une écrevisse de rivière. Alors que nous nous accoudions à ce bel arbre majestueux qu’est le zamana (c’est aussi celui où on pendait les esclaves il y a quelques décennies) afin de graver ce moment pour l’éternité d’un magnifique selfie… nan c’est pas vrai, le jour où vous me verrez faire un selfie, les baleines auront des poils aux pattes… C’est juste que nous voulions nous affaler contre le tronc, afin de digérer le bon repas pris au restau de l’habitation, qui était, soit dit en passant, une tuerie.

Bref, suivie d’Eric, je m’accoude au tronc et, deux secondes plus tard, me radasse par terre, m’estrasse la face sur l’herbe, m’étale façon méduse pas fraiche, terrassée par une syncope foudroyante à la vue de Doudou la matoutou… Paf, plus de son plus d’image, pour moi hein parce que la belle mygale, elle ne m’a même pas calculée et en rigole encore…

Doudou la matoutou est donc une mygale… Eric dit qu’elle est magnifique. Moi je dis qu’elle est surtout terrifiante avec ses grandes pattes velues. Mais je dois être dans le faux puisque Doudou a longtemps fait l’objet d’un commerce à taille mondiale, aujourd’hui interdit puisqu’elle est protégée. Elle fait d’ailleurs toujours partie du top 10 des mygales les plus recherchées. C’est pourtant la seule araignée de France à faire l’objet d’un arrêté de protection, et ce, depuis 2017.

La matoutou est donc magnifique, gracieuse, dit Eric.
Dans le nord de l’île, la Doudou arboricole arbore de très beaux reflets bleus et verts (comme les mygales des films d’horreur quoi… non me dit Eric, c’est un magnifique bleu électrique).

Dans le sud, la Doudou terrestre (elle vit dans des terriens) est plutôt brune, voire rouge (sang…) (non me dit Eric, rouge sombre, pas rouge sang… oui oui oui…).

Elle mue plusieurs fois au cours de sa vie, modifiant ses couleurs tout au long de son existence. Son espérance de vie varie entre 2 à 3 ans pour les mâles, une femelle peut vivre jusqu’à 10 ans.

Adulte, le corps de la Doudou mesure de 6 à 10 cm pour une envergure totale allant jusqu’à 15−18 cm, voire 20. Cela dit je suis sûre que celle que j’ai vu était beaucoup plus grosse. Elle possède quatre paires d’yeux, mais est passablement miro, et sourde ! Elle utilise ses soies sensibles aux vibrations et aux signaux chimiques pour la détection des proies et la reconnaissance du partenaire.

Ces araignées disposent de glandes à venin (ah, tu vois Eric, elle n’est pas gentille la Doudou !), mais celui-ci n’est pas mortel (aaah ben on est sauvé alors, tu vas juste avoir trèèèèès mal quoi !). Bon, les experts disent qu’elle est inoffensive, mais encore faut-il leur faire confiance, j’en connais qui disaient que le Covid 19 n’étaient qu’une simple grippounette….

Mais revenons à notre belle Doudou.

Elle est donc GENTILLE, pas du tout AGRESSIVE, et peu farouche, Eric lui a même caressé le ventre… et, de fait, ne m’a plus approché pendant des semaines….

La matoutou n’a pas beaucoup de prédateurs (tu m’étonnes, avec la gueule qu’elle à… regardez mon voisin, personne ne s’attaque à lui, il fait bien trop peur !), elle n’intéresse donc personne, mise à part la guêpe bleue, qui, après avoir piqué et paralysé la Doudou, va pondre un œuf dans son abdomen. La larve va ensuite dévorer la mygale, tranquillou, tranquillou… Que la vie en forêt tropicale est belle, magnifique même !

La doudou, si elle échappe à la guêpe, passe sa vie à manger des insectes, des grenouilles, lézard ou petits oiseaux (mais ça, c’est moins sûr disent les mêmes experts). Elle les prédigère en les imprégnant d’une solution intestinale régurgitée qui liquéfie les tissus puis aspire le tout. Gloups !

La Doudou peut garder un unique gite pendant des années et est très sédentaire. A la saison des amours, le mâle construit une petite toile appelée « spermatique » : il y dépose quelques gouttes de sperme qu’il va récupérer ensuite grâce à des bulbes copulateurs, au bout de ses jolies papattes avant. Il part alors à la recherche de sa doudou, et lorsqu’il l’a enfin trouvée, se met à danser devant elle. Si la femelle est réceptive, elle répondra par la même danse de l’amour et l’accouplement pourra commencer.

La femelle pond une cinquantaine d’œufs qu’elle va protéger dans un cocon, jusqu’à l’éclosion, 60 jours plus tard. Après quelques jours passés sur la toile maternelle, ils iront ensuite rejoindre la nature. Gentils petits matoutous tout plein jolis…

Morale de l’histoire :

même avec du poil aux pattes, tu trouveras toujours un mec qui te trouvera belle et délicate !

Sur ces belles paroles, je vous souhaite une bonne journée bien confinée !

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