Raymond le thon

Même si je n’en ai pas le caractère je peux avoir des dents de chien

Rouge, je vaux plus cher que le caviar ….

Et pourtant on me porte rarement en parure

Je suis …. Je suissss

Ouiiiiii le Thon …

Donc laissez-moi vous présenter Raymond le thon. Raymond est un beau gosse, affuté comme un menhir, c’est une bête de compétition. Chez nous en Martinique, on trouve surtout du thon Albacore ou thon jaune dont la deuxième nageoire dorsale et la nageoire anale sont d’un superbe jaune canari et ont une forme de faucille. Les pinnules, petits créneaux triangulaires en forme de crête, sont jaunes bordées d’une ligne noire.

Les thons les plus costauds (en général ce sont des thons rouges) peuvent mesurer 2 ou 3m de longueur et peser en moyenne 300kg, des beaux bébés ont été enregistrés à 684kg. Malgré son poids, Raymond est taillé pour la vitesse, il frôle les 90km/h sous l’eau, impressionnant non ? C’est sa forme torpille qui lui permet ces performances. Il possède 2 nageoires dorsales assez rapprochées, les deux nageoires pectorales sont très courtes et n’atteignent pas l’extrémité de la première dorsale. La caudale est puissante, symétrique et en croissant.

Mais Raymond a un problème, un peu comme les requins et d’autres espèces aquatiques, ses branchies ne filtrent l’eau que s’il se déplace. Sur l’écran noir de ses nuits blanches (Béa pour toi) même quand il dort, le thon bouge, s’il s’arrête, il boit la tasse. Finalement, à croire que l’eau, c’est pas trop son truc… peut-être pour ça qu’on le trouve régulièrement en boite avec de l’huile.

Costaud comme il est, Raymond a besoin de reprendre des forces, pour ça, il engouffre pèle mêle des kilos de petits poissons (maquereau, sardines, etc) qu’il chasse au milieu de grands bancs. Il grignote de temps en temps, en guise d’apéro, des calamars, des crustacés, voire des poulpes suicidaires et quelques méduses. Afin d’optimiser son action de chasse, il se regroupe avec d’autres thons, parce qu’il est de bon « thon » de s’unir, même pour Raymond.

La sexualité de Raymond est plutôt simple, d’abord parce que c’est une espèce gonochorique. On se calme, ne sortez pas la pénicilline c’est seulement que le sexe est déterminé une fois pour toute, et c’est pas le cas de tous les poissons dont pas mal d’espèces peuvent changer de sexe au cours de leur vie.

Quelquefois, quand il a le vague à l’âme, il cherche son âme sœur, enfin, va falloir qu’il ait l’âge légal, non mais dit donc, 4 ans en Atlantique Est et 8 en Atlantique Ouest. Ouaip, je sais, ils prennent leur temps dans l’ouest, mais c’est un problème de questionnement, est-ce qu’elle me plait ??? Peut-être que oui, peut être que non … Ça se discute !!! Forcément, c’est pas gagné…

Quand Raymond et sa dulcinée sont enfin décidés, si la température de l’eau le permet, si le lieu est propice, si le thon est courtois et si Madame est OK, paf !!! On se retrouve avec une ribambelle d’œufs éjectés par la femelle qui vont être fécondés par les mâles. Les larves sortiront des œufs 2 jours plus tard et se joindront au plancton, comme quoi, on trouve de tout dans le plancton. Le stade larvaire ne dure qu’un mois et la croissance du juvénile est rapide. Bien qu’il fasse la taille d’un cil à la naissance, il atteint plusieurs centaines de kilogrammes et mesure jusqu’à 1 m 80 de long avant ses 10 ans.

Son alimentation saine et sa vie au grand large lui permettent d’avoir une espérance de vie de 20 à 50 ans, notamment pour le thon rouge. Ça, c’est sans compter les mauvaises rencontres bien sûr. Un requin Mako, des globicéphales noirs ou des orques se font un plaisir de gober Raymond, même sans mayonnaise.

Mais il n’y a pas que des requins…. L’homme pêche le thon depuis la nuit des temps et jusque dans les années 80, cela ne posait pas trop de problème. Sauf si vous étiez un thon, bien sûr…

Un bruit sourd, profond, long. A la fois plainte et espoir d’une chasse réussie. Dans le temps, les hommes soufflaient dans des conques pour se prévenir que les thons étaient là, et, de la côte, le prélèvement pouvait commencer… au harpon… Fallait être balèze ! On trouve des dessins rupestres datés du néolithique montrant ces techniques de pêche. On ne sait pas trop si le thon était blanc, rouge ou vert, mais il y avait de quoi faire manger toute la famille et les copains.

Les techniques ont évolué au fil du temps et la pêche au thon est devenue source non négligeable de revenus.

Dans les années 80, on a voulu rationaliser la navigation. Il était impensable, pour les navires qui traversaient la moitié du globe pour nous apporter tout plein de produits électroniques de repartir à vide. Une hérésie au sens économique. Les thons pouvaient être une manne financière incroyable, un seul problème néanmoins…

Au pays du soleil levant, le thon rouge et le thon en général n’était bon qu’à donner aux chiens, ou plutôt aux chats. Il n’était vraiment pas de bon « thon » d’utiliser ce poisson gras au goût un peu trop prononcé pour être mangé tel quel en sushi. En effet, sushis et autres sashimis devaient être faits à base de sole et de coquille Saint Jacques, le faire avec un poisson gras était un non-sens.

Pour changer les habitudes, on s’est servi de campagnes de communication énormes, mais il restait le goût, pas du tout apprécié des asiatiques. Qu’à cela ne tienne, on fait comme pour la souris verte, on la trempe dans l’eau, ça n’en fera pas un escargot tout chaud mais un poisson au goût moins… affirmé.

La campagne de com marche, la mode prend, la sole et la coquille saint jacques respirent à nouveau mais sale temps pour le thon.

En 2000 il ne restait plus que 15 % de la population mondiale de thon rouge. Ce dernier devient alors rare et plus il est rare plus il devient cher, et plus il est cher plus il est recherché et capturé, et ne parlons que de la pêche légale.

En 2020, un thon rouge de 276 kg a été vendu aux enchères au Japon 1.5 million d’euros en 2019… Ils avaient déjà payé un thon de 278 kg 2.7 millions d’euros quelques années plus tôt… tout ça pour finir en sushi. Le monde devient fou, il est thon que ça change…

Pour réenclencher un cercle vertueux, la principauté de Monaco part en guerre à partir de 2009, elle n’arrive pas à faire classer cette espèce comme menacée, mais avec des ONG telle que Sea Shepherd, elle réussit à faire respecter les quotas. En ne faisant que respecter ces quotas la population de thon rouge a augmenté de manière extraordinaire.

Du coup…

Morale de l’histoire

Le thon, c’est bon,

Le thon blanc c’est excellent

La pub sait mettre le thon

Pour qu’on se gave de ce poisson

Mais quand y’en aura plus on aura l’air bien con

Préférez la pêche responsable, c’est de bon thon !

Ah oui, concernant l’énigme de Johnnie…

Johnnie (W) est une marque connue de scotch… le scotch, ça se boit (avec modération) mais ça colle, comme Johnnie…

Photos :
Le parisien, la dépeche wikipedia et gettyimages