[divide]

Ce petit texte en hommage à mon pépé qui aurait pu me chanter, en regardant la grande bleue :
Mais qu’elle est bleue, mais qu’elle est belle
Mais qu’elle est bleue comme tes yeux
Moi ça me rend heureux
(bon, cela dit je n’ai pas les yeux bleus, mais mon pépé était franchement bigleux)
Hommage donc à mon pépé Dédé et à son ami Brieuc…

Mon pépé, il est né à Marseille, sa passion c’était la mer.
C’était un bon gaillard mon pépé, il s’appelait Dédé, Dédé mon pépé… ben quoi ? Dédé, c’était un féru d’histoire. Le soir, on s’installait sur un banc face à la mer et on regardait les bateaux de pêche rentrer au port, et là, il me racontait…
« Sais-tu petiote que, quand tu seras capitaine de ton bateau, tu devras porter secours et assistance à tout navire ou à toutes personnes en détresse sur un rafiot ? Sauf si, bien sûr, tu penses que tu vas te faire escagasser et qu’au final, ben tu sauves dégun. »
C’était un sage mon pépé.
« Pourtant, tu sais petiote, ça n’a pas toujours été le cas, dans l’ancien temps, on préférait s’occuper du bateau plutôt que des marins, ça rapportait plus. Les hommes, on ne les sauvait que pour les revendre comme esclaves ou pour récupérer leurs guenilles et leur argent.
Les bateaux eux, étaient beaucoup plus précieux et leur chargement valait souvent de l’or ! Tu sais, dans certaines contrées, les naufragés qui arrivaient sur les plages étaient souvent considérés comme des pestiférés, ils étaient maudits, si leur bateau avait coulé, c’était par la volonté de la bonne mère ou de je ne sais quel bon dieu à plume, à poil ou à cornes.
Alors… ben alors, les naufragés, on les tuait et, tu sais petiote, il y a même des peuples cannibales qui les mangeaient… Et je te parle même pas des naufrageurs, qui, de la côte, embrouillaient les marins à grands coups de feu de bois qui faisaient penser à la lanterne d’un phare… les bateaux s’estrassaient sur les récifs et il n’y avait plus qu’à se servir… oh boudiou, c’étaient de mauvais bougres ceux-là… »
Mon pépé, même avec l’accent, il était pas très fort pour raconter les histoires drôles.
Pépé Dédé, il avait un très bon copain, qui lui, s’appelait Brieuc, c’était un vrai breton, pas comme mon pépé, qui n’était que Marseillais et dont les exploits nautiques se limitaient à la traversée de la rade, ou à aller pêcher au Frioul, ou peut-être à Callelongue, mais ça, c’était une expédition, le bout du monde.
Très jeune, Brieuc est parti travailler sur un morutier. Toute petite, j’adorais l’écouter me raconter des histoires de grosse mer, de tempêtes et de sirènes, de poissons pêchés par milliers qui scintillaient sur le pont sous le soleil breton (oui, Brieuc avait beaucoup d’imagination), de bataille de cachalots et d’orques, de thons énormes et de poulpes géants…
Mais Brieuc, un jour de tempête, a vu son bateau en difficulté. Il n’était qu’un petit moussaillon sur son bateau, ce n’était pas lui qui était aux commandes. Toutefois, tout le monde était sur le pont ce jour-là, la mer était déchainée et le petit chalutier bien malmené… mais le patron s’en fichait pas mal, fallait bosser… Trempé jusqu’aux os, ils se prenaient la mer en pleine figure, fallait s’accrocher…
Brieuc avait perdu son père très jeune, il était pécheur de maquereaux, 8 hommes avaient péri en mer ce jour-là, on n’avait retrouvé que ses filets à la dérive.
C’est à lui que pensait Brieuc en ce jour de tempête. Et ce qui devait arriver arriva, le chalutier se retrouva drossé contre les récifs, là, tout près de la côte et, dans un grand vacarme, la coque s’éventra, laissant la mer s’engouffrer dans les cales. L’alerte fut donnée de la côte. Il fallait agir vite. Deux canots partirent avec quelques gens de mer, ils rejoignirent le chalutier en bravant la houle, chahutés par des vagues aussi hautes que les remparts de Saint Malo…
Brieuc, comme bon nombre d’habitants proches de la mer ne savait pas nager, mais il a pu s’accrocher à un coffre flottant après le naufrage et a eu la vie sauve, grâce à ces bénévoles qui ont bravé la mer en furie. C’était en 1914, il avait 14 ans à l’époque. Ce jour-là, il a pris deux décisions, d’abord, il apprendrait à nager et ensuite, il allait se proposer pour pouvoir aider et porter secours aux marins en péril. Il intégra un petit groupe de bénévoles, les Hospitaliers-Sauveteurs Bretons (HSB).
Mais faisons un bref retour dans le temps. Tant pis pour une fois on devra tirer notre chapeau devant nos voisins d’outre-manche.
Comme mon pépé Dédé me le disait, en cas de naufrage, les rescapés étaient victimes d’une double peine : ils avaient tout perdu et en plus ils étaient à la merci des esclavagistes. La raison en était assez évidente, s’il y avait au moins un survivant, homme ou animal, le bateau et son chargement restaient en possession du propriétaire. Donc, on zigouillait joliment et, ni vu ni connu je t’embrouille, la cargaison changeait de main, on appelait ça le droit de bris.
Il a fallu attendre les ordonnances de Louis IX au XIIIème siècle puis une bulle (pas d’azote mais papale) de Pie V au XVIème siècle pour que ça se calme un peu et que l’on puisse commencer à s’intéresser aux survivants.
C’est bien, mais il a fallu attendre le 19ème pour que la notion d’assistance commence sérieusement à faire son chemin. Faut dire que, jusque-là, c’était plutôt chacun sa mère et Dieu pour tous.
Et en parlant de Dieu, à Boulogne sur Mer, à cette époque, une importante colonie d’anglais était présente, en dehors de partager l’amour de la bière et des welsh avec les locaux, ils partageaient également le fait de ne pas franchement bien savoir nager. Et tout le monde sait que le mélange bière brune et welsh n’est pas franchement propice à la ligne de flottaison.
Bilan des courses, après un grand nombre de noyades, le révérend A Edge décida d’intervenir avant que de perdre tous ses paroissiens grands bretons. Avec l’appui de la Royal Humane Society de Londres, il va créer ce qui deviendra la « Société Humaine». Un poste de sauvetage est monté à Boulogne et comprend 6 anglais et 6 français. On les équipe de canots à rames, munis de tout l’équipement nécessaire à la surveillance des plages, le modèle se répand de Dunkerque au Maroc en passant par Bayonne en multipliant de fait les « Sociétés Humaines ».
Témoin d’un terrible naufrage à l’entrée du port de Boulogne, la Société Humaine se munit du premier canot insubmersible « L’Amiral de Rosamel ». Elle prend alors le nom de « Société Humaine et des Naufrages ». Après quelques années l’amiral Rigault de Genouilly unifie les sociétés de sauvetages existantes qui deviendront la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés (SCSN)
C’est à peu près à cette même époque que Henri Nadault de Buffon créait la société des Hospitaliers Sauveteurs Bretons, elle avait un objectif très large, à la fois du sauvetage mais aussi de l’assistance face aux accidents de la vie et… l’encouragement au bien, pardonnez du peu.
Les deux sociétés se partagent alors les plages à surveiller. Une piqure de méduse, un imprudent qui se fait piéger par les courants, une mamie qui s’est endormie dans sa barque et qui est emportée par les flots. Les bénévoles sont toujours là, et ils ont l’œil !
Il faudra tout de même attendre 1967 pour que ces deux sociétés, la SCSN et les HBS, fusionnent pour créer la SNSM (Société Nationale des Sauveteurs en Mer), mutualisant le matériel et les compétences, ce qui leur permettra de créer leurs propres centres de formation pour nageurs sauveteurs.
Depuis le début, ce sont toujours DES BENEVOLES qui donnent de leur temps et prennent des risques pour sauver la vie des autres. Si les moyens ont changé depuis l’époque héroïque de la rame, la mission principale, elle, est toujours la même depuis toutes ces années : secourir bénévolement et gratuitement les vies humaines en danger, en mer et sur les côtes.
Aujourd’hui La SNSM dispose de plus de 200 stations de sauvetage en métropole et en outre-mer. Elle profite de plus de 30 centres de formation dans lesquels seront formés les sauveteurs qui surveilleront plus d’un tiers des plages de métropole et embarqueront dans plus de 300 embarcations de sauvetages en mer.

La SNSM vit toujours en grande partie grâce aux dons, peu de personnes le savent.
Nous avons eu, à Kawan, le grand bonheur de travailler avec deux moniteurs, Max et Jean-Phi, bénévole à la station SNSM du Marin. On a pu ainsi apprécier leur investissement en termes de temps et d’énergie auprès de cette association. Sur leurs périodes de repos ou de congés, s’ils n’étaient pas en intervention, ils étaient en formation (on a vu Max pendouiller au bout d’un filin d’hélico pour des exercices de haute voltige) ou en train de bichonner la vedette pour qu’elle soit toujours prête eu cas de besoin.

  

De temps en temps, l’assistance peut être surprenante, ainsi, en 2017, un catamaran a déclenché une demande d’aide au large du Marin, arrivé sur place, il s’est avéré que le cata présentait une voie d’eau.
La raison ??
Une baleine, fatiguée de sa balade et craignant l’insolation, n’avait rien trouvé de mieux que de se glisser entre les deux flotteurs pour se protéger du soleil. Jolie casquette non ?
Une fois, Max s’est fait récupérer par la vedette du Marin, la « 256 », directement sur notre bateau pour une assistance à Saint Pierre. Hop hop hop, la pause après le boulot ? Bah ce sera pour une autre fois ! Après avoir tracté un bateau toute la nuit, son remplaçant au petit matin était Jean-Philippe. Appelés de jour comme de nuit, ils étaient toujours présents pour secourir. Alors, lorsque était venu le temps du tour des yoles… c’était pas la fête pour tout le monde ! Lors de cette course, tous les secours sont sur les dents, les petits bobos, les coups de soleil, l’alcool, les marins d’eau douce ou le tout réuni…. Pas évident de tout gérer.
Que dire de ces équipes de sauveteurs qui sont intervenus en 2019 sur une montgolfière ou un avion en perdition… ^^ ou encore ce sauvetage d’une famille entière qui se prenant pour des leurres pour la pêche au gros, se baignaient « à la traîne » accrochés à un cordage… qui a fini par se rompre… Hououhouuuuu ? Y’a kinkuuuuun ? Quand te reverrais-je, pays merveilleux ????
Les incidents prêtent à sourire… une fois que tout le monde est sorti d’affaire !
Alors attention toutefois, les sauveteurs de la SNSM, ils sont là pour venir en aide aux personnes, C’est gratuit. Bon, en revanche, si vous voulez récupérer votre rafiot, va falloir raquer pour qu’ils vous le remorque. Et c’est normal, faut pas non plus pousser mémé dans les oursins.
La SNSM, c’est notre Saint Bernard des mers, et non, Jean Phi et Max, j’ai pas dit que vous aviez la gueule d’un Saint Bernard, vous êtes beaucoup moins poilus !

Morale de l’histoire :
Que vous soyez marin d’un jour ou marin de toujours
Que vous soyez plaisancier ou tout simplement vacancier
N’oubliez pas, la SNSM est là de nuit comme de jour pour vous porter secours
Alors, un petit don pour les aider, ce serait une chouette idée !
Mon pépé Dédé, plus pragmatique, aurait dit : « Oh couillon, tu le sors ton pognon pour aider ces jeunes qui en ont ? (des couilles, pas du pognon) »
Brieuc lui, aurait repris le slogan de la SNSM : « Donne un peu, beaucoup, comme tu peux, pour que l’eau salée n’ait jamais le goût des larmes »

[divide]